André Broessel : «Je voulais optimiser la captation de la lumière»

(Article paru dans la lettre de l’écolonomie http://www.pocheco.com/je-ne-suis-rien-mais-avec-ce-rien-je-bousculerai-le-monde-entier)

André Broessel, architecte natif allemand, vit à Barcelone. Il vient d’inventer Rawlemon, des sphères solaires capables de générer de l’énergie. Depuis son atelier du quartier populaire de Poble sec, il a repris le concept de l’effet loupe et a pour but de produire une énergie propre avec une faible empreinte carbone. Interview.

La sphère solaire sur un toit de Barcelone

La lettre de l’écolonomie : Comment vous est venue l’idée de Rawlemon et en quoi consiste-t-elle ?

André Broessel : Il y a trois ans, c’est en observant par hasard les billes de ma fille  que j’ai eu l’idée d’utiliser, des sphères transparentes pour produire de l’énergie d’où notre slogan « The future is not green, it’s transparent ! » (Le futur n’est pas vert, il est transparent). Pour un physicien, la sphère est un peu un taboue car il s’agit de la géométrie la plus parfaite. Etonnamment, elle a été un peu oubliée. En ce qui me concerne, je voulais reproduire le fameux effet loupe, c’est à dire faire converger en un point focal les rayons du soleil et créer une concentration de ces rayons lumineux sur une cellule photovoltaïque. Je me suis dit que ce procédé ne pouvait qu’optimiser la captation de l’énergie solaire et pourquoi pas transformer une énergie diluée (même de faible intensité par temps nuageux ou la lumière de la lune) en énergie concentrée. En passant de la géométrie plane d’un panneau photovoltaïque à une géométrie en trois dimensions de la sphère, ce procédé pourrait en effet étendre la  production d’énergie solaire à l’ensemble de la planète, avec différents usages. Il existe ainsi la possibilité d’installer des petites sphères de 5 centimètres les unes à côté des autres, (à l’image d’un jeu de boules) sur les façades des immeubles. Ce procédé permet de rendre un édifice autosuffisant en énergie tout en laissant passer la lumière. Une sphère allant d’1m à 1m80 de diamètre peut également être installée sur le toit des immeubles. D’ailleurs, plus la sphère est grosse plus elle produit de l’énergie : une sphère de 1m80 peut ainsi recharger une voiture électrique. Mais il existe aussi le chargeur individuel de portable ou de tablettes avec une sphère de 10 et 20cm de diamètre.

André Broessel

Avec Rawlemon, vous avez donc la possibilité de capter la lumière diffuse tout au long de la journée. Concrètement, comment ça marche ?

Les sphères transparentes collectent les rayons lumineux qui convergent sur un collecteur. Ce dernier capte l’énergie en permanence grâce à un système appelé « dual axis tracking system ». En effet, ce collecteur est positionné sur un bras métallique incurvé, fixé sur les deux pôles de la sphère. Pour suivre le mouvement du soleil, le collecteur se déplace verticalement le long de cet arc. Lui-même exerce un mouvement horizontal circulaire autour de la sphère pour suivre la course du soleil. Les cellules photovoltaïques et de mini-générateurs de chaleur convertissent ensuite l’énergie en électricité et en énergie thermique. La concentration de la lumière sur ce principe fonctionne si bien que les sphères Rawlemon opèrent non seulement au  soleil, mais même lorsque le ciel est couvert, ou pendant la nuit : elles recueillent cette lumière et peuvent la transformer en énergie.

Votre invention s’avèrerait donc bien plus efficace qu’un simple panneau solaire. Pouvez-vous nous expliquer plus précisément pourquoi et sur quelles études et données chiffrées vous-êtes vous basés ?

En effet, la production de l’énergie s’effectue à travers cette cellule photovoltaïque dont le rendement est exponentiel, il pourrait aller jusqu’à 100 fois par rapport à un panneau photovoltaïque de la même taille.

L’explication est en réalité simple : un panneau solaire conventionnel ne capte les meilleurs rayons du soleil que 15 minutes par jour car il est fixe ! Or, la sphère est une surface parfaite puisqu’elle est traversée par les rayons de lumière quelque soit le moment de la journée à l’image d’un œil ou du globe terrestre. C’est ainsi que le dual axis tracking system capte l’énergie en permanence, même la lumière de la lune. Sur un toit d’immeuble ou sur une façade en position verticale, le système a donc un bien meilleur rendement qu’un système photovoltaïque traditionnel.  En ce qui concerne les études prouvant l’efficacité du produit, nous avons déposé le brevet et fait expertiser la technologie Rawlemon en Allemagne au ZSW, « Zentrum für solar energie und wasserstoff Baden-Württemberg » (Centre pour l’énergie solaire et l’hydrogène, Baden-Württemberg). Il s’agit d’un test qui fonctionne avec un jet de lumière de 1000 watts perpendiculaire à un panneau photovoltaïque. De cette lumière projetée, 150 watts ressortent. Avec le système Rawlemon, la cellule photovoltaïque ne mesure que 5mm sur 5mm, et la sphère, 5 cm de diamètre. Et pourtant, il ressort également 150 watts par mètre carré : mais notez bien qu’il s’agit d’un système miniaturisé ! Sur la même surface de panneau photovoltaïque, proportionnellement beaucoup plus d’électricité peut donc être produite, et ce, tout au long de la journée. Ainsi pour résumer, à titre d’exemple : 1m2 de panneau photovoltaïque traditionnel produit 150 watts au meilleur de son rendement, soit la consommation de 5 ampoules de basse consommation. 1m2 de superficie de cellules photovoltaïques de la technologie Rawlemon, produirait  l’énergie équivalente à 500 ampoules basse consommation.

Cela remettrait alors en question le marché du photovoltaïque au niveau mondial ?

En effet, car cette invention permet d’étendre la production d’énergie solaire à tout l’hémisphère nord. Jusqu’alors, le photovoltaïque constituait l’apanage des pays ensoleillés. On ne le dit pas assez mais un panneau photovoltaïque de bonne qualité a en réalité un rendement très faible. Dans le meilleur moment de la journée, son rendement n’est que de 20% pendant environ 15 minutes. Quant à ces 20%, ils peuvent même diminuer si la position du panneau n’est pas optimum (l’angle par exemple).  De plus, un panneau photovoltaïque est opaque, il ne laisse pas passer la lumière, tandis que les sphères transparentes peuvent même aller jusqu’à remplacer des surfaces vitrées et donc produire de l’énergie sur des façades entières d’immeubles.

La grande nouveauté repose aussi sur le fait de pouvoir capter l’énergie solaire même par temps nuageux. La lumière ambiante d’une journée ensoleillée correspond à 1000 watts ; celle d’une journée nuageuse, entre 100 et 300 watts. Or, pour qu’un panneau photovoltaïque commence à produire efficacement de l’énergie, il faut au moins 400 watts de lumière ambiante. La sphère, quant à elle, concentre la lumière et commence à produire de l’énergie à partir de 100 watts. Enfin, la cellule photovoltaïque utilisée par  Rawlemon est plus performante parce qu’elle est constituée en réalité d’un mille feuilles de mini-plaques photovoltaïques de quelques microns d’épaisseurs, on les appelle les « multi junctions cells ». Imaginez alors combien mon invention peut s’avérer révolutionnaire en termes d’autonomie énergétique et d’empowerment citoyen… Notre idée majeure est de rendre accessible au plus grand nombre notre technologie et ainsi contribuer à faire changer les mentalités sur les problèmes de production et gestion de l’énergie.

 

Propos recueillis par Valérie Zoydo

 

 

 

 

 

La slow economy ou le localisme économique

(Interview parue dans la lettre de l’écolonomie)

L’émergence des différents courants slow dessine les contours d’une nouvelle économie. La Slow Economy inspirée du « made in », relocalise, replace l’humain au centre des préoccupations, réhabilite le long terme et propose une approche transversale de la décélération. Raphaël Souchier, auteur de Made in Local, emploi, croissance, durabilité : Et si la solution était locale ? (Eyrolles),  est parti à la rencontre d’entrepreneurs engagés dans la voie du localisme économique. Interview par Valérie Zoydo

La lettre de l’écolonomie : La décélération appliquée à l’économie mène-t-elle à une autre forme de prospérité que celle revendiquée par le capitalisme financier?

Raphaël Souchier : Au delà d’une décélération, il s’agit surtout d’un changement de paradigme. On a fonctionné sur l’idée que le progrès passait par la croissance, la consommation et le crédit. Ce modèle tourne désormais à vide. Depuis les années 80, nous assistons en effet à un décrochage de l’économie réelle, dû à la prise de pouvoir du  néolibéralisme qui prône la dérégulation des marchés financiers, de la fiscalité et des impacts sociaux et environnementaux. Le monde de la finance -désormais hors sol et tout puissant-  a besoin que les entreprises réduisent les coûts pour produire un rendement financier maximum. Après avoir rationalisé et développé la productivité, il ne reste plus, selon lui, qu’à éliminer les humains de l’économie.

La slow economy propose un renversement de perspective : la finance doit se remettre au service de l’économie, l’économie servir la société humaine et la société réapprendre à vivre en équilibre dynamique avec son environnement naturel au lieu de le détruire de façon suicidaire. Au culte de la rapidité et de l’assouvissement immédiat des pulsions, elle substitue « l’économie régénératrice » et  une renaissance des économies locales.

 

Pourquoi cette slow economy est-elle régénératrice et à quoi ressemble-t-elle ?

RS : A quoi me sert de faire du sport si mon cœur ou mes poumons sont épuisés ou malades ? La santé, c’est à la fois celle du corps et celle de toutes ses composantes. Une croyance du siècle dernier était qu’en allant à l’international on générerait suffisamment de richesses pour que le local soit à son tour prospère. En réalité, les entreprises ont souvent quitté –et continuent de fuir- leur région d’origine pour profiter de conditions sociales, fiscales et environnementales moins strictes ailleurs. Les dérégulations successives sont le fruit de la victoire idéologique de l’élite financière.

Or il n’y aura pas de société planétaire en bonne santé tant que les économies régionales ne seront pas également de nouveau en bonne santé. Chacune des régions du monde devrait pouvoir se développer et se nourrir en affectant en priorité ses ressources à sa pleine santé, et n’échanger que ce qui est nécessaire. Ce n’est évidemment pas le cas actuellement. Les populations et les autorités de nombre de régions et de pays n’ont, en réalité, aucune maîtrise sur leurs ressources, contrôlées et parfois pillées, par les entreprises et les pays les plus puissants. La bonne nouvelle, c’est qu’une économie se développant par le moyen de la régénération de la nature et de la société sera intensive en main d’œuvre, décentralisée  et productive de richesse pour tous (rétablissement et dépollution des éco-systèmes, agriculture naturelle, éco-construction, production décentralisée d’énergie, etc).

 

Nous devons être bien conscients que ce qui nous a amenés là, ce ne sont pas des « lois » économiques, mais bien un abandon politique de souveraineté. Nos gouvernements successifs ont remis les clés de la cité et celles des coffres publics aux banques.  Changer cette situation ne relève donc pas de l’économie, mais bien du politique. Cela passe par une reconquête, par les citoyens eux-mêmes, de l’imaginaire comme du pouvoir individuel et collectif.

D’où l’importance des millions d’initiatives citoyennes que l’on voit fleurir aujourd’hui.

Ainsi en France, des clubs d’investissement locaux et alternatifs (les Cigales), créés par des citoyens pour investir ensemble dans des projets locaux ; ou Terre de Liens, mouvement qui rachète du foncier pour le mettre à disposition de nouveaux agriculteurs ; ou encore Energie Partagée, association qui investit dans la production décentralisée d’énergie renouvelable, comme à Béganne dans le Morbihan.

 

Ce localisme économique dont découle la Slow Economy, existe aux Etats-Unis et au Canada sous la forme d’un réseau d’entrepreneurs locaux appelé BALLE. Comment est-il né et que représente-t-il?

RS : Balle (Business Alliance for Living Local Economies), l’Alliance d’Entrepreneurs pour des Economies Locales Vivantes, compte 80 réseaux locaux, 30 000 entreprises et représente pas loin d’un demi million d’emplois. Ces entrepreneurs ont fédéré des forces vives locales de tous secteurs : alimentation, énergie, construction, industrie, médias, etc. Le réseau est né de l’initiative d’une femme. Judy Wicks vit à Philadelphie. En 1983, elle a ouvert un restaurant au rez-de-chaussée de sa maison. Il a prospéré, mais ce qu’elle voulait surtout c’était qu’il soit au service de ses clients et de la communauté locale. Judy était très attachée à la qualité de la nourriture. Alertée par une émission de télévision sur les conditions de vie des porcs en élevage intensif, elle s’est mise en quête d’un fermier traitant de façon humaine et traditionnelle ses animaux, et a fait la rencontre, dans la région, d’un fermier traditionnel amish. Elle a poursuivi sa démarche en collaborant avec des producteurs locaux et n’a cessé ensuite d’essayer de relocaliser tout ce qui concernait son affaire. Dès 2001, elle créait avec d’autres chefs d’entreprises un réseau local d’entreprises soutenables, « SBN – Sustainable Business of Greater Philadelphia ». La même année elle lançait, avec des entrepreneurs sociaux d’autres régions,  le réseau national BALLE. Depuis 12 ans, ce mouvement se développe et renforce les économies de leurs territoires.

 

Le localisme économique ne coûte pas trop cher aux entrepreneurs dans un monde globalisé ?

RS : Quand on achète un produit qui vient de sa région ou est vendu par un entrepreneur implanté localement, l’impact positif sur l’économie locale est forcément plus important. En Amérique du nord, les études montrent que si on achète pour 100 dollars chez un commerçant ou un entrepreneur local indépendant, 70 vont re-circuler dans la région ; alors que si on achète chez une chaine internationale, seuls 15 à 25 dollars seront réinjectés dans l’économie locale. Ces entreprises de la Slow Economy on intégré cela.

A l’échelle de l’UE  nous devrions, nous aussi, réfléchir à ce que représente, en coût réel, l’achat hors d’Europe. Nous devrions construire une position commune. Pour stimuler le localisme économique, il importe que ces idées  soient reprises partout par les réseaux d’entreprises. De même, en France, pour les collectivités territoriales qui jouent un rôle important de développeur économique ; et bien sûr les citoyens qui –en dernière instance- peuvent décider de ce qu’ils achètent ou non.  L’ère des consom’acteurs est bien là.

 

La troisième révolution industrielle et les imprimantes 3D sont-elles les meilleures alliées de la slow economy ?

RS : Jeremy Rifkin l’a effectivement montré : l’arrivée des énergies décentralisées ouvre le chemin à une relocalisation des économies. Au delà, c’est à une renaissance de la démocratie que nous devrions assister. Les imprimantes 3D, elles, sont un symbole intéressant: elles vont contribuer à mondialiser l’information tout en localisant la production. Leur généralisation réduira le transport des objets. La circulation de l’information à travers le monde devrait être libérée, et la circulation des matières et de l’énergie se limiter à ce qui est réellement utile.

Au delà de cet exemple, produire là où se manifeste le besoin grâce à un partage mondial de l’information et à une économie collaborative, n’est-ce pas cela le « glocal » ?

 

Quel objectif s’est fixé BALLE sur le long terme ?

RS : C’est à la fois simple et ambitieux : « Induire en une génération un mouvement mondial d’économies locales interconnectées qui travaillent en harmonie avec la nature pour rendre possible une vie saine, prospère et joyeuse pour tous et partout ». En effet, on le sait maintenant, la planète est capable de nourrir sa population. Ce qui nous manque c’est un peu d’imagination et d’abandonner notre peur atavique du manque et de l’autre. Bref, de sortir des vieux schémas : l’illusion de la rareté a empoisonné nos esprits.

Observez la nature : on n’y voit pas la rareté mais l’abondance. Le temps est venu pour les humains de passer enfin à la civilisation du respect des biens communs et de l’abondance partagée.

 

 

 

 

 

OGM, enfin la vérité

Doit-on avant de passer à table se souhaiter bonne chance ? La question mérite d’être posée à la découverte des résultats d’une étude scientifique sur les effets des OGM sur la santé, menée dans le plus grand secret par le professeur Gilles-Éric Séralini et d’autres scientifiques, et dévoilée ce mercredi dans une revue scientifique américaine. A l’occasion de la sortie de cette étude du CRIIGEN (Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique) fondé par Corinne Lepage, la députée européenne lève le voile sur un scandale alimentaire à l’échelle mondiale. Dans son livre La Vérité sur les OGM, c’est notre affaire !, qui paraît le 21 septembre aux Éditions Charles Léopold Mayer, elle dénonce un imbroglio juridique et politique pour échapper au fameux principe de précaution.

Lorsqu’il est question d’OGM, les acteurs débattent autour de leur nécessité -ou pas- dans l’agriculture : ceux-ci augmentent-ils la productivité agricole comme le prétendent les pro-OGM ? Est-ce l’unique solution pour nourrir 9 milliards d’individus en 2050 ? La réponse est non. Au contraire : sur le long terme, les OGM appauvrissent les sols. Ou encore, existe-t-il une pollution génétique liée à la culture ? Mais la véritable question devrait plutôt être : quels sont leurs réels impacts sur la santé ? Respecte-t-on le citoyen dans son droit à être informé ?

S’intéresser à la question des effets sur la santé

Cette problématique anime Corinne Lepage, députée européenne, présidente du parti humaniste et écologiste Cap 21, et ancienne ministre de l’environnement, (voir bio) depuis presque vingt ans : elle en a fait l’un des principaux combats de sa carrière. Une bataille entamée lorsqu’elle sollicite du Premier ministre Alain Juppé en 1996 que la France retire sa demande d’autorisation de mise en culture d’un OGM de la maison Novartis. Elle perd l’arbitrage et commence alors pour elle l’ouverture du dossier OGM et le début d’une longue histoire. Elle finit par obtenir du Président de la République et du Premier ministre le moratoire sur les OGM en février 1997. Mais elle sait bien que celui-ci sera fragile, face aux pressions du lobby à une époque où Monsanto prévoit que 50% du maïs européen sera OGM en 2000.

« Dans sa ligne de mire, les fabricants d’OGM, les lobbies, leurs alliés politiques, la Commission européenne, l’EFSA, ses experts souvent liés à l’industrie elle-même, bref, tous ont organisé leur propre irresponsabilité dans ce dossier.”

Au fil des années, à travers une enquête menée à la fois avec son regard de femme politique et d’avocate spécialisée dans l’environnement, elle a observé et s’est battue contre les rouages d’un système bien organisé et ses zones d’ombres. Dans sa ligne de mire, les fabricants d’OGM, les lobbies, leurs alliés politiques, la Commission européenne, l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments), ses experts souvent liés à l’industrie elle-même, bref, tous ont organisé leur propre irresponsabilité dans ce dossier. Une expertise qui a fini par la conduire aux côtés du professeur de biologie moléculaire Gilles-Éric Séralini, et d’autres scientifiques à organiser une étude scientifique dans le secret absolu, il y a deux ans.

Une première mondiale

« Sous l‘égide du CRIIGEN, association que j’ai fondée en 1999 avec Jean-Marie Pelt et Gilles-Éric Séralini et que préside aujourd’hui, Joël Spiroux, le Professeur Séralini et leurs co-auteurs publient ce mercredi 19 septembre une étude qui est une première mondiale », explique-t-elle.

Jusqu’alors, toutes les études sur l’impact des OGM avaient été réalisées par les compagnies biotechnologiques elles-mêmes et ce, pendant seulement 90 jours sur des cohortes de dix rats. Pourtant, à l’image de l’industrie pharmaceutique, les études devraient être réalisées sur le long terme, c’est-à-dire un minimum de deux ans, pour comprendre quels sont les effets d’une substance à l’échelle d’une vie humaine. Alors, pourquoi les pouvoirs publics n’ont pas cherché à réaliser davantage d’études pour analyser les véritables effets des OGM sur la santé ?

Elle parle même de « trou béant dans les connaissances scientifiques » et s’étonne que «personne ne semble s’en préoccuper. »
Images tirées du nouveau film de Jean-Paul Jaud, Tous Cobayes?, qui sortira en salles le 26 septembre prochain, librement adapté de l'ouvrage de Gilles-Eric Séralini, intitulé Tous Cobayes!, Flammarion 2012

Le livre raconte justement comment les grandes firmes se sont organisées pour les en empêcher. Car le négoce n’est rentable que si les tests ne sont faits qu’à court terme : s’il est découvert que les OGM ont un impact sur la santé, et que cela est prouvé scientifiquement, c’en est fini de leur production. C’est cela que les lobbies ont voulu combattre. « Aucun Etat, ni organisme privé n’avait en effet jamais accepté d’étudier les effets d’un OGM sur des rats durant deux ans, en analysant en détail tous les paramètres et organes », confirme la députée européenne. Elle parle même de « trou béant dans les connaissances scientifiques » et s’étonne que « personne ne semble s’en préoccuper ». Et en effet, l’étude révèle qu’à partir de quatre mois des anomalies graves commencent à se faire sentir particulièrement sur des rates nourries aux OGM. Le nombre de tumeurs est tel que le budget en analyse explose et retarde l’expérience. Certaines tumeurs finissent même par atteindre la taille d’une mandarine. Lorsqu’elles franchissent 25% du poids de l’animal (ce qui représenterait une tumeur de 15 kilos pour un humain de 60 kilos), l’euthanasie est pratiquée pour éviter les souffrances. Mais jusqu’à aujourd’hui, Corinne Lepage a été tenue au secret pour ne pas mettre en péril le bon déroulement de l’expérience dont l’industrie agro- alimentaire ne devait rien savoir sous aucun prétexte.

Restituer au citoyen son droit à être informé et protégé

Rendant à la politique ses lettres de noblesse, la députée européenne se fait un point d’honneur à restituer au citoyen son droit à être informé et protégé au niveau de sa santé. Ainsi, l’invite-t-elle à se réapproprier son destin en ayant désormais les connaissances pour agir ou pour exiger qu’on lui rende des comptes. « Comment expliquer que ce qui devrait être une des missions premières des institutions, qu’il s’agisse des ministères, de la Commission, des organes d’expertise, à savoir disposer d’informations sur la toxicité ou non des OGM, ne soit pas remplie ? Comment expliquer le degré d’irresponsabilité des ministres, commissaires et autres directeurs d’agences qui rééditent de manière constante une procédure de prise de décision qui peut conduire à un nouveau drame de l’amiante ? Comment expliquer qu’ils prêtent une oreille aussi attentive aux lobbies sans que jamais les inexactitudes relevées ne fassent l’objet d’aucune sanction ?», écrit-elle.

 » Dans cet ouvrage aux accents parfois surréalistes tant ses vérités dérangent,bousculent, embarrassent, l’ancienne ministre n’épargne personne. »

Dans cet ouvrage aux accents parfois surréalistes tant ses vérités dérangent, bousculent, embarrassent, l’ancienne ministre n’épargne personne. A travers une intrigue à la fois juridique et politique, elle met le doigt là où ça fait mal, avec parfois de l’humour et un zeste d’ironie. Elle explique comment ces acteurs s’y sont pris pour contourner la loi, se jouer d’elle, à travers la création d’un règlement, utilisé par l’EFSA. Car -a priori- le droit européen protège le citoyen, grâce à une directive information/santé qui impose des exigences en matière d’évaluation des risques. Le constat est sans appel : les rares études scientifiques existantes ont été cachées, en aucun cas complétées, sans oublier le manque de transparence dans les conditions d’émission des avis. Enfin, les incertitudes et autres bricolages juridiques ont été opérés sans vergogne, et ce, toujours sous le regard complice de l’EFSA.

Réconcilier la politique et la société civile

Il s’agit là de l’aboutissement d’un des combats d’une vie et surtout d’un acte de courage. Ne s’attaque pas à un empire qui veut. Et pour cause, la filière transgénique représente une mine d’or pour l’économie aux yeux de certains gouvernants. Ce pourrait même être l’un des plus gros enjeux financiers de l’histoire des hommes. Une véritable OPA opérée sur les estomacs à l’échelle planétaire. Si les principales variétés de soja, de maïs, de blé et de riz deviennent des OGM brevetés, 60% de l’énergie alimentaire mondiale pourrait être contrôlée.

Dans ce contexte, Corinne Lepage tente de réconcilier la politique et la société civile, en se plaçant du côté du citoyen. Pas seulement à travers son indignation mais à travers ses actes, sa sincérité, son honnêteté intellectuelle et son respect de l’humain. Indéniablement, elle prouve avec La Vérité sur les OGM, c’est notre affaire !, qu’elle fait ce qu’elle dit, quels qu’en soient les risques. D’abord en tant que juriste puis en tant que femme engagée, avec ses prises de positions, ses coups de gueule et ses inlassables enquêtes. Enfin, en tant que fondatrice et Présidente d’honneur du CRIIGEN. « Cette étude – dont chacun peut imaginer les critiques que le lobby OGM va lui réserver – a un mérite immense, celui d’exister et de mettre enfin sur la table la question de l’impact sanitaire des OGM », conclut Corinne Lepage. Et en effet, toute la mise en lumière juridique et politique que nous offre l’avocate perdrait peut- être un peu de son effet retentissant si elle n’était pas accompagnée par un travail collectif, en parallèle, de scientifiques et amis. Par leur travail et leurs recherches, ils ont prouvé que cette intuition qu’elle avait eue en juin 1996 au conseil des ministres européens –alors qu’elle était saisie du dossier OGM- était bel et bien fondée.

Valérie Zoydo ( conseillère  en comunication et en politique de Corinne Lepage, texte rédigé pour le dossier de presse).

L’EFSA, c’est quoi ?

Seuls deux OGM sont cultivés en Europe, Agence européenne d’expertise, chargée de la sécurité sanitaire et alimentaire au sein de l’UE. Créée au lendemain de l’affaire de la vache folle, elle est supposée être indépendante mais elle est en réalité accusée de céder aux conflits d’intérêts : elle est vivement critiquée dans sa procédure d’évaluation des risques par une vingtaine d’Etats membres et de nombreuses ONG. Au sujet des avis rendus dans son panel OGM (elle compte neuf panels), tous se sont révélés positifs. (Pour aller plus loin, voir notre annexe Etat des lieux du dossier OGM en Europe).

Le CRIIGEN

Le CRIIGEN, Comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le Génie Génétique, est une association à but non lucratif, multidisciplinaire, de scientifiques et de chercheurs sur les implications du génie génétique, ses enjeux et ses risques, et pour la protection de l’environnement et de la santé. Crée en 1999 par Corinne Lepage, Gilles-Eric Séralini et Jean-Marie Pelt, il réunit plusieurs experts en France et à l’étranger ayant participé ou participant à des missions gouvernementales ou internationales, de manière à réfléchir sur la mise en place du principe de précaution, et le contrôle du génie génétique. La vision collégiale des dossiers favorise la qualité de l’expertise, et le CRIIGEN a été consulté sur le sujet pour l’organisation de colloques internationaux, la mise en place de protocoles internationaux (Carthagène), ou de directives européennes. Il a notamment collaboré avec la Commission Européenne et les Ministères français, l’Italie, le Canada, la Chine et la Tunisie. Desgroupements, gouvernements, associations ou entreprises ont désiré adhérer pour favoriser une information indépendante, par exemple en agro-alimentaire, une information sur la traçabilité, ou un bilan international des OGM.

Recommandations de Corinne Lepageaux citoyens pour agir :

« Trois conséquences doivent être tirées de cette étude et de ses résultats en ce qui concerne les citoyens que nous sommes.
1. Même lorsque les pouvoirs publics démissionnent et ne défendent pas l’intérêt général, les citoyens peuvent agir efficacement et légalement. L’histoire de cette étude est une saga mais nous y sommes parvenus en soutenant le travail scientifique du professeur Séralini et de son équipe. Chacun d’entre nous peut exiger de ne pas consommer d’OGM dans les produits qu’il achète s’il a un doute sérieux sur la nocivité des OGM. Comment ? En évitant le maïs, le soja et le colza et leurs dérivés s’il existe une incertitude sur la présence ou non d’OGM et privilégier l’agriculture raisonnée ou bio.2. Chacun d’entre nous peut agir auprès de son gouvernement pour que des études indépendantes des groupes industriels, portant sur 2 ans et concernant un nombre d’animaux suffisant soient engagées sans délai pour analyser les effets potentiels de tous les OGM consommés sur la santé humaine. Il peut agir pour réclamer des explications sur les raisons pour lesquelles jusqu’à présent ces études ont été refusées, pour lesquelles l’EFSA n’a délivré que des avis positifs sur les OGM et cherche à obtenir la suppression dans tous les cas possibles de simples études sur 3 mois.
3. Il peut enfin militer pour un moratoire des importations en attendant le résultat des études. L’agriculture européenne ne s’en portera que mieux ».

Biographie de Corinne Lepage

Députée européenne, ex-ministre de l’environnement, présidente du parti Cap 21, et avocate spécialisée dans l’environnement, Corinne Lepage revendique des « valeurs humanistes, écologistes, sociales, républicaines et européennes ». Fervente défenseure de la troisième révolution industrielle, elle pense que la politique de demain ne se fera pas sans la collaboration de la société civile. Progressiste, de tendance sociale-démocrate, il faut repenser selon elle les clivages actuels du paysage politique et la façon dont le pouvoir est exercé, en mettant fin au jacobinisme et promouvant le dynamisme des régions.

L’Europe et l’environnement

Députée européenne depuis 2009 (groupe ADLE), elle devient première vice-présidente de la commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire et est membre suppléante de la commission Industrie Recherche et Energie. En décembre 2009 et 2010, elle fait partie des délégations officielles du Parlement Européen qui vont à Copenhague dans le cadre de la COP 15, à Cancun pour la COP16, à Durban pour la cop17 et sera à Doha au Qatar pour la COP18. Elle a été à plusieurs reprises experte dans le cadre européen (en particulier sur le rapport d’étape du VIe programme) et a été nominée par le PNUE en 2006 parmi les 10 femmes qui, en Europe, comptent pour l’environnement. Au sein du groupe ADLE, elle est très active sur les directives OGM (dont elle est rapporteur), IPPC, RoHS, WEEE, nouveaux aliments, informations des consommateurs et sur les thématiques du changement climatique, du mix énergétique, de l’expertise non dépendante, du lien entre santé et environnement, la neutralité du net, la régulation Internet, les libertés individuelles et fondamentales.

La gouvernance écologique internationale

En 2008, elle remet au gouvernement français un rapport sur “la gouvernance écologique” qui formule plus de 80 propositions, dont 10 mesures phares, destinées à restaurer la confiance des Français dans l’information environnementale et fait notamment des propositions pour améliorer cette information, renforcer les règles de l’expertise et clarifier les responsabilités en cas de pollution qui sera présenté au niveau européen pendant la présidence française du Conseil de l’Europe en 2008.En mars 2010, aux côtés d’une trentaine d’anciens ministres de l’environnement dans le monde, elle lance un groupe de réflexion sous forme d’association (association des anciens ministres de l’environnement et anciens dirigeants d’organisation internationale de l’environnement) sur les problématiques de gouvernance écologique internationale.

1995 : la première stratégie nationale sur le développement durable

Ex-ministre de l’environnement en 1995, au moment de la présidence française du Conseil Européen, elle fait voter une grande loi sur l’air, contribue à la création du comité prévention et précaution et met en place la première stratégie nationale sur le développement durable, en 1997. Elle obtient la sortie de la puissance publique du comité amiante, le non redémarrage de la centrale superphénix et un moratoire sur les OGM.

Avocate et militante associative

Elle cofonde un cabinet spécialisée en environnement et droit public avec Christian Huglo, et se fait remarquer en défendant les sinistrés de l’Amoco Cadiz en 1978. Elle défendra par la suite des sinistrés de l’Erika en 1999 (dont des procès sont toujours en cours). Militante associative, elle cofonde le CRIIGEN (Comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le génie génétique). En 2011, elle remporte le prix European Women Business Law Awards, organisé par l’IFLR (International Financial Law rewiew) dans la catégorie droit de l’environnement.

Son positionnement politique : redéfinir de nouveaux clivages et coopérer avec la société civile

« La société civile ne peut désormais plus compter que sur elle-même pour assurer son avenir. », affirme-t-elle à la suite du sommet de Copenhague, en 2009. La mobilisation des ONG et de la société civile se révèle en effet nécessaire, selon elle, pour changer notre mode de développement.
Elle fonde un club de réflexion en 1996, CAP 21, qui se transformera en un parti politique démocrate, humaniste et écologiste, dont elle est présidente aujourd’hui.Cette sensibilité sociale-démocrate et sa défense de la cause environnementale l’amènent à collaborer avec le centre droit et le centre-gauche. Elle a cofondé Génération Ecologie en 1989 avec Brice Lalonde, Jean-Louis Borloo et Jean Michel Belorgey. Candidate à l’élection présidentielle française en 2002, elle soutient le candidat du centre François Bayrou en 2007, devient vice-présidente du MODEM, mais le quitte en dénonçant un problème de démocratie interne. Elle appelle à voter François Hollande en 2012.Pour elle, le clivage entre la gauche de la droite est obsolète. Rifkinienne convaincue ( cf les théories de Jeremy Rifkin) elle affirme qu’il s’agit plutôt pour le citoyen d’opérer un choix entre la centralisation du pouvoir et sa distribution. Elle prône la coopération, la démocratisation de l’énergie (cf la troisième révolution industrielle), l’Europe politique, l’économie liée à l’écologie et le social. Pour elle, le jacobinisme à la Française est un frein au progrès et aspire à un changement dans le paradigme du pouvoir. Elle est convaincue que la génération internet ne pense plus en termes de capitalisme et socialisme et juge plutôt un comportement politique et une capacité de coopération avec les ONG, les citoyens ou les entrepreneurs exerçant de bonnes pratiques sociales et environnementales. Croyant en un changement de civilisation, elle revendique la nécessité à ce que nous nous pensions collectivement comme les habitants d’une planète. V.Z

 

Rio+20 : 10 jours décisifs pour les 20 prochaines années

La conférence des nations unies sur le Développement Durable, appelée Rio+20 en référence a la célébration du vingtième anniversaire du sommet de la terre à Rio en 1992, aura lieu dans quelques semaines dans la même ville.

Plus de 120 chefs d’états, y compris les présidents français et espagnol, et environ 50.000 délégués y sont attendus.Depuis plusieurs mois, diplomates, conseillers et représentants de la société civile  travaillent sans relâche pour finaliser un texte commun d’une vingtaine de pages sur les grands thèmes de l’économie verte (production propre, agriculture écologique, énergies renouvelables, gestion durable des forêts et océan) et nouveaux mécanismes de gouvernance (création d’objectifs de Développement durable et d’une Organisation Mondiale de l’environnement…).

Les sujets sont ambitieux mais pleinement d’actualité. D’une part l’économie mondiale vit de fortes turbulences tout en consommant de plus en plus de ressources naturelles non renouvelables avec un impact négatif sur l’environnement. D’autre part de nombreux mouvements de protestation (Occupy, Indignados, Printemps Arabe…) fleurissent tout autour du globe pour exiger une démocratie plus participative et transparente.

Une nouvelle économie
Une nouvelle économie basée sur le respect des limites de la planète, la réutilisation infinie des matières premières exige aussi une implication active et continue des différents acteurs de la société civile (ONG, entreprises…)  à coté des gouvernements nationaux et locaux. A l’heure actuelle il est très difficile de pronostiquer un quelconque résultat des négociations.

Chaque bloc géopolitique (G8, BRICS, G77, UE…) maintient une posture différente et parfois même divergente dans son propre groupe.  L’Union Européenne défend une vision forte basée sur la relance de la croissance et la création d’emplois. La Chine et les Etats-Unis veulent des accords peu contraignant et peu ambitieux. Les pays en voie de développement, en géneral, ont peur de se voir imposer un nouveau protectionnisme vert.

« Cette absence de vision collective à long terme est dû en partie à notre mode de penser linéaire et fragmenté, qui nous empêche, dans la culture occidentale dominante, d’identifier et reconnaître la complexités et inter-connections de nos problèmes (et solutions) au niveau local, régional ou global ».

Dans notre nouveau monde multi-polaires, complexe et en évolution permanente, les intérêts de chaque pays, parfois même chaque sous-region, ont des nuances différentes qui empêchent parfois de voir nos intérêts communs liés à des enjeux globaux, comme la raréfaction de l’énergie fossile, l’augmentation de la population, l’accès à l’eau potable, la pollution atmosphérique et l’infertilité croissante des sols et océan…Cette absence de vision collective à long terme est due en partie à notre mode de penser linéaire et fragmenté, qui nous empêche, dans la culture occidentale dominante, d’identifier et reconnaître la complexité et les inter-connections de nos problèmes (et solutions) au niveau local, régional ou global.

Création d’une organisation mondiale de l’environnement

Cependant, au dela d’un possible engagement international pour (re)construire une nouvelle ambition politique basée sur la création d’une organisation mondiale de l’environnement, un conseil du développement durable ou d’objectifs de durabilité, il est clair que le mouvement de fonds animé par les différentes parties prenantes et acteurs de la société civile (ONG, entreprises, think tanks…) ne s’arrêtera pas en juin. Ce processus de débats, conférences, évènements parallèles, qui aura lieu pendant les 10 jours précédents le sommet des chefs d’état aura probablement plus d’impact que une éventuelle déclaration institutionnelle pleine de bonnes intentions.

Dans un monde hyper-connecté par les réseaux virtuels et matériels, les citoyens, responsables, chercheurs, experts, divulgateurs peuvent – doivent ! – être (co)responsables de l’exécution et du suivi, à échelle locale, nationale ou globale, de politiques et d’actions concrètes vers une économie et société durables. L’utilisation permanente et continue des nouvelles technologies, réseaux sociaux et autre blogs personnels permettra – permet déjà- la multiplication de micro « printemps arabes » qui permettront de transformer, sans retour possible, le monde d’aujourd’hui vers un futur plus juste, solidaire et prospère.

Jérémie Fosse Président de l’association eco-union, directeur du Global Eco Forum, fondateur de ecodigma et collaborateur académique à Esade Business School.

NIDOS DE SILENCIO, caminando del bosque a la ciudad, por MCarmen Gª Mahedero

 

La “práctica” del retiro a la naturaleza, llevada a cabo en China con la caída del imperio Han como vía de escape para el individuo y más tarde por los ilustrados del Renacimiento, sigue vigente en la sociedad actual. Si bien, hoy en día es fruto de una crisis sistémica y global que hace que busquemos en la naturaleza alternativas a la estructura actual. Hay que pensar que todo lo urbano proviene de lo natural, aunque cada vez esté más desvirtuado y desposeído de su sentido original. El conocimiento del mundo significa el conocimiento de nosotros mismos como individuos y como sociedad.

La observación del paisaje siempre está condicionada por nuestro bagaje cultural, al tratarse de un concepto cultural. Hasta que no se produce un cambio en la mirada del hombre, una relación de no dependencia de la naturaleza, del campo en su último sentido, no existe el paisaje. Mientras la sociedad dependía del cultivo del campo, no se miraba hacia la naturaleza. Ésta era considerada como un espacio inhóspito, duro y ajeno al hombre que encontraba el placer intramuros. Una vez superada esta relación casi de esclavitud, la tierra, la naturaleza se idealiza.

« El conocimiento del mundo significa el conocimiento de nosotros mismos como individuos y como sociedad. »

Actualmente parece que nos hemos estancado en esta visión romántica, sin ser conscientes de los valores escondidos en el paisaje natural. Vivimos un retroceso, una vuelta al disfrute “del intramuros” ajena al paisaje natural. Cegados por lo urbano cada vez somos menos capaces no ya de comprender estos paisajes, de sentirlos, sino de activar sus valores que no son sino parte de nosotros mismos.

Vivir el espacio y el tiempo

El lugar ideal es aquel en el que podemos vivir el espacio y el tiempo. Sin embargo, en las ciudades de hoy esta necesidad apenas si tiene cabida. Debido al exceso de información y la hiperestimulación de la realidad urbana, uno pierde la capacidad de observación; el mundo está lleno de imágenes que actúan como sustitutas de las personas. Aparece así la necesidad de recuperar ese pasado donde se vivía el espacio y el tiempo, rescatar el carácter más sensitivo del hombre que, poco a poco, va perdiendo su identidad. El espectador es espectador y sujeto activo a la vez. Los ejercicios de paciencia y curiosidad por descubrir, por conocer, tienen que estar presentes en él para disfrutar plenamente de su existencia y éstos, en la realidad urbana prácticamente han desaparecido.

Del mismo modo que las Seychelles de J. Beuys, el bosque de laurisilva gomero nos remite a tiempos primigenios y nos permite percatarnos de realidades ausentes en la ciudad, en nuestro día a día, en nosotros mismos. Hablo de investigar un territorio es decir “enfrentarse” a él, familiarizarse con él en circunstancias cambiantes. Hablo del silencio, del tiempo, de la contemplación, del no esperar nada a cambio, del deleite del transcurso.

"Hablo del silencio, del tiempo, de la contemplación, del no esperar nada a cambio, del deleite del transcurso".

El paisaje es un ser vivo, en cambio perenne. Por lo tanto, el trabajo se asienta en una transformación donde la obra disfruta de las condiciones constantemente variables del ambiente que rediseña, con el fin de mantenerlo activo. La poética del discurso tiene que ver con explorar un territorio desconocido que existe y se construye conforme se interactúa con él. La manera en que se dialoga supone un reflejo y una respuesta a nuestra sensibilidad, supone una forma de comunicarnos.

Caminar como práctica artística

La metodología en este análisis es primordial para su consecución: caminar como práctica artística. Caminando establecemos un tiempo acorde con el espacio circundante, nos dejamos llevar por su ritmo, nos permite descubrir, comprender y empatizar con el espacio natural, despertando partes de la conciencia adormiladas por la ciudad. El espacio Natural aporta todo aquello que roba el espacio urbano, proporciona experiencias imprescindibles para poder tomar conciencia del Mundo.

Se trata del placer del descubrimiento convertido en conocimiento. No se trata de marcar un objetivo, de delimitar un concepto y buscar en la Naturaleza la manera de representarlo, sino de hacer una lectura del paisaje y desgranar de forma, inicialmente inconsciente, estas ausencias, estos espacios que finalmente nos hacen descubrir valores ausentes en la ciudad.

"Poder tomar conciencia del Mundo".

No se trata de caminatas en forma de protesta como pueden ser las de Hamish Fulton, pero sí su misma poética, la poética de la ausencia, donde la representación, fotográfica en este caso, solo capta parte de la vivencia del caminar, de la inmersión en el tiempo y en el espacio.

© Michael Kenna
© Christian Löhr
© Wolfgang Laib

De esta primera forma de experimentar el paisaje natural surgen las intervenciones efímeras y frágiles, influidas por artistas como Wolfgang Laib, Christian Löhr o Michael Kenna, que consigue captar en sus imágenes la poética de espacios tanto naturales como urbanos a través de elementos mínimos. Todos ellos tienen algo en común, y es que ven paralelismos entre la naturaleza y aquello que perciben en el ser humano. Utilizan lenguajes precisos, delicados y mínimos, influenciados por filosofías orientales.

Nidos de silencio; caminando del bosque a la ciudad, es un trabajo compuesto por dos partes evidentes: los valores naturales descubiertos e interiorizas tras un mes de estancia en La Gomera y el traslado de esta búsqueda a la ciudad.

Catalogándolo como un work in progess, tras invertir un tiempo en conectar con el ritmo del lugar, adaptarse y adoptarlo, el bosque de laurisilva captó la atención. Sus cualidades hicieron surgir esas emociones, ese silencio, esas necesidades de las que sólo somos conscientes al alejarnos de ellas. El trabajo en la isla hizo especial hincapié en la metodología, en el caminar como herramienta de observación, quedando fijada en 6 dípticos fotográficos.

Díptico1
Díptico2
Díptico3
Díptico 4
Díptico 5
Díptico 6
Final

Los dípticos prolongan el espacio, recrean un paso tras otro e involucran al espectador que puede identificarse e introducirse en ellos y convertirlos en su propia historia. Las fotografías que los forman en ocasiones están tomadas en lugar y días diferentes, dando prueba de la conexión existente con el espíritu del lugar. A modo de metáfora en Barcelona surgió una intervención, realizada en Can Castanyer, una finca privada del Pg. Sant Gervasi, 5-13, que subraya la distancia entre el hombre de ciudad y la naturaleza y reclama la necesidad de minimizarla.

 

« Respirar y tomar distancia de la supuesta realidad »

Can Castanyer se sitúa en un medio enteramente urbano: asfalto, edificios y coches, un vacío dentro del entorno, un espacio anacrónico para el lugar en que se encuentra. Y porqué no defender la existencia de estos extraños espacios urbanos que se manifiestan como ámbitos de libertad alternativos a la realidad anónima. Con tintes románticos en cuanto a su morfología, responden a la belleza idílica de los antiguos jardines burgueses, pero no se trata del rescate de esta primera imágenes, hablamos de un significado más allá de las apariencias. El énfasis reside en sus valores implícitos y casi olvidados, en aquello que nos permite recuperar, en el crecimiento aleatorio, no planificado, libre, ligero y con capacidad de abstracción. Sensaciones que nos permiten respirar y tomar distancia, desprendernos, aunque sea sólo por unos minutos, de la supuesta “realidad”.

MCarmen Gª Mahedero, Barcelona, nov. 2011

La herencia tóxica

Este documental trata de los efectos de los insecticidas sobre la salud y el medio ambiente, a través de la mirada de un agricultor biológico, Pere, y de Miquel Porta, director de un informe que mide los niveles de contaminantes en la población.


Herencia tóxica por valeriezoydo

Itinéraire d’un Affranchi

crédit : Valérie Zoydo

 

A trois heures de Berlin, dans la quatrième ville de Pologne, Wroclaw, le catalan Alex Capdevila vit dans une maison flottante qu’il a construite. A l’heure du changement climatique, il a traversé l’Europe pour proposer un nouveau type d’habitat. Et les premiers clients sont au rendez-vous. Rézo est allé à sa rencontre. Reportage.

 

Alex Capdevila fait partie de ces itinérants, ces doux rêveurs, ces Robinson Crusoë, qui osent tout explorer, mourir et renaître, jusqu’au boutistes quel qu’en soit le prix. Ancien designer graphique à Barcelone et ex-directeur artistique dans une agence de publicité, ce Catalan a tout quitté pour construire une maison flottante en Pologne, sur un fleuve, l’Oder, qui traverse Wroclaw, considérée comme la Venise polonaise. Cet aventurier d’être soi déambule avec ses convictions, ses croyances, sa philanthropie, vogue entre sa légèreté d’enfant et sa gravité d’adulte. Existentialiste, en colère contre les dogmes étatiques, religieux et familiaux, il a pris le temps de ses 44 ans pour tout désapprendre, et réapprendre à être lui. Penser par lui-même. Paradoxal, cet homme fin aux allures de directeur d’une maison de couture, toujours tiré à quatre épingles -mais laissant tout de même quatre jours à sa barbe grisonnante- en veut aux institutions, aux impôts, aux banques. En avance sur son temps, un zeste inquiet, mais optimiste, il laisse transparaître la solitude des gens lucides.

Une maison mobile

Sur le bord du fleuve, cachée derrière les haies, sa maison pourrait être une cabane au fond du jardin, mais celle-ci, flotte. Démontable et remontable à loisir, elle est mobile, comme lui. “Je peux vivre où je veux”, se complait-il à rappeler. Avec ses airs de Belmondo dans le film Itinéraire d’un enfant gâté, il se déplace en barque pour aller faire ses courses, pour acheter entre autres des légumes chez un producteur des environs. Lui qui, il y a peu de temps travaillait encore dans les atmosphères ouatées des bureaux barcelonais, n’hésite pas à se retrousser les manches et réhausser l’ourlet de son pantalon pour retirer l’eau de sa barque après la pluie. Seul dans cette maison cubique, minimaliste, aux lignes parfaites, il vit comme dans le ventre d’une mère, au milieu de l’eau. La maison est autosuffisante : elle produit plus d’énergie qu’elle n’en consomme. L’électricité vient d’un système mixte de plaques solaires et de moulin à vent. Quant à l’eau, elle est puisée dans la rivière grâce à un système de filtres.

Cette maison, Alex y a travaillé comme la première page d’un roman. Il l’a dessinée, y a cristallisé ses espoirs et l’utilise comme un laboratoire pour, il l’espère, n’être que le premier tome d’une longue saga. Il l’a bâtie avec son ami polonais Wojciech Bartosiewicz qui l’a accueilli lorsqu’il est arrivé. Un an d’investigations a été nécessaire pour mettre au point leur brevet : 550kg/m², une structure métallique fortement isolée pour lutter contre les températures extrêmes et faire des économies d’énergie. Le tout sans un gramme de béton.

L’habitat du futur
Quand ils évoquent leurs souvenirs, le polonais, grand gaillard de deux mètres ne manque pas de s’émouvoir en se rappelant la solitude de son ami dans cette
épopée. En attendant de pouvoir s’installer dans sa maison, Alex a vécu dans une caravane. Un jour, alors qu’il assemblait avec son associé les premières pièces sur l’eau, l’hiver les a pris de court : le fleuve s’est gelé en trois jours. Remorqués par un transporteur fluvial, ils se sont vus contraints de rompre la glace pour rejoindre un emplacement plus sûr, à l’abri des courants et du gel. Depuis, Alex n’en a plus jamais bougé. Aujourd’hui sa maison est prête, flamboyante, et les visites vont bon train. Car le bouche à oreille a fait le reste du travail. La presse polonaise commence à s’intéresser à ce Catalan hors du commun. Un photographe de mode veut y faire son studio. Une jeune femme, qui travaille en indépendante et qui vend son appartement projette de vivre, elle aussi sur une rivière, au sein d’une communauté de voisins qu’Alex et Wojciech sont en train de créer. Un Français souhaite quant à lui, 62,5m² de plein pied en guise de résidence secondaire. Deux hôtels prévoient de lui commander de petites maisons flottantes, comme chambres bungalows. Un autre lui demande une maison pour pouvoir la déplacer d’hiver en été, de la montagne à la mer. Ou encore, un particulier imagine une maison flottante sur la mer, dans le nord de la Pologne, en guise de bar pour Wind surfers. En attendant, Alex se déplace dans quelques semaines à Varsovie pour donner une conférence sur les énergies renouvelables. Car sans peut-être le savoir, ce
touche-à-tout participe à construire l’habitat du futur : autosuffisant, mobile, démontable à l’image d’un meuble Ikea et adaptable aux zones inondables et à des zones urbaines peu exploitées, comme les rives des fleuves ou les rivières. Et surtout l’habitat social, avec des prix à 1.000,00 e/m². En tout cas, Alex Capdevila croit dur comme fer à l’avenir de son projet, et c’est bien là le secret des bâtisseurs de légende : y croire, y croire encore, ne jamais fléchir et toujours être soi. Et le mariage Alex, c’est pour quand ? “Pas avant mes 99 ans, mais vous êtes invités, bien sûr”.

Valérie Zoydo

Pour aller plus loin :
http://isolasystem.pl/

Le rejet de la nature, un héritage des Lumières

crédit © Albert Bonsfills

La nature a été malmenée jusque dans la perception que nous avons d’elle. Etre écolo pouvait, encore récemment, paraître ringard. Ce rejet vient de notre héritage philosophique occidental : les Lumières.
Fait étonnant, malgré une prise de conscience claire vis-à-vis de l’écologie, il n’existe pas de réel mouvement philosophique sur l’écologie en Europe, alors qu’il existe aux Etats-Unis. “Cela est propre à l’histoire philosophique du continent européen et à notre rapport à la notion de nature”, explique à Rézo, Emilie Hache, maître de conférences en philosophie à l’université Paris X-Nanterre, spécialiste de l’écologie. Aux Etats-Unis le rapport à la nature est différent : lorsque la nation s’est fondée, les immigrés sont arrivés sur un territoire vierge, aux allures de nouveau paradis.
A la même époque, dans le Vieux Continent, la tradition de la philosophie des Lumières avait fait du chemin dans les mentalités. “Diderot critiquait la nature en ce qu’elle s’opposait à la liberté humaine”, poursuit Emilie Hache, “et le rationalisme de Descartes a contribué à façonner la culture collective, surtout en France”.

CRITIQUE DU CARTÉSIANISME
Selon les Lumières, puisque la culture était synonyme de liberté, il s’agissait donc de maîtriser la nature à tout prix. Celle-ci ne servait donc qu’à être exploitée. Associée à l’animalité, elle s’érigeait comme l’inverse de la civilisation. En parlant d’“état de nature”, “Hobbes, de son côté a mis le doigt sur une notion de barbarie associée à la nature, et ce au moment de la modernité”, ajoute Emilie Hache.
C’est pour cette raison que l’anthropologue Claude Levi-Strauss, écologiste de la première heure, a critiqué entre les lignes les conceptions cartésiennes classiques de la maîtrise sur la création.

D’ailleurs, sa défense de la diversité culturelle est indissociable de la diversité naturelle. “Ce contre quoi je me suis insurgé, et dont je ressens profondément la nocivité, c’est cet espèce d’humanisme dévergondé issu d’une part de la tradition judéo-chrétienne, et, d’autre part, près de nous, de la Renaissance et du cartésianisme, qui fait de l’homme un maître, un seigneur absolu de la création” déclarait- il dans une interview accordée au quotidien Le Monde daté du 21-22 janvier 1979.

Et de poursuivre : (…) “C’est d’une seule et même foulée que l’homme a commencé à tracer la frontière de ses droits entre lui-même et les autres espèces vivantes, et s’est ensuite trouvé amené à reporter cette frontière au sein de l’espèce humaine (…). Il faudrait plutôt poser au départ une sorte d’humilité principielle ; l’homme commençant par respecter toutes les formes de vie en dehors de la sienne, se mettrait à l’abri du risque de ne pas respecter toutes les formes de vie au sein de l’humanité même. (…)
Au lieu d’une conception des droits de l’homme d’origine occidentale, on aurait pu chercher à se mettre un peu plus de plain-pied avec les idées explicites ou implicites que d’autres civilisations se font du problème. (…) Les grandes civilisations de l’Orient ou de l’Extrême-Orient, avec le bouddhisme et d’autres familles spirituelles, sont, non pas seulement ouvertes à ce genre de réflexions, mais se trouvent à leur origine depuis des siècles et mêmes des millénaires. Même les peuples dits “primitifs” qu’étudient les ethnologues ont un profond respect pour la vie animale et végétale : il s’exprime chez eux par ce que nous considérons comme autant de superstitions, mais qui, en fait, constituent des freins très efficaces pour maintenir un certain équilibre naturel entre l’homme et le milieu qu’il exploite”.

PEUT-ON PARLER DE MODERNITÉ ?

Avant la période dite de modernité (entre le 16e et le 18e siècle), “Montaigne avait exploré des pistes intéressantes sur notre rapport avec les animaux”, explique Emilie Hache, mais dans ce domaine, “Descartes a fermé tout ce qui avait été ouvert”.
De même, Stephen Toulmin, philosophe anglais du XXe siècle, fait l’éloge de Dewey, Wittgenstein, Heidegger et Rorty pour avoir abandonner la tradition de Descartes et Hobbes, dans son ouvrage Cosmopolis, the hidden agenda of modernity. Il dénonce une disparition de la morale dans le domaine des sciences, qui a détourné son attention des questions pratiques concernant l’écologie entre autres.
Finalement la percée de l’écologie nous fait remettre en question l’idée de progrès telle qu’elle a été pensée par les Lumières. D’ailleurs, le sociologue
des sciences, Bruno Latour, auteur de Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, écrivait dans le journal Le Monde en 1996 : “La fin de l’idée de progrès n’est que l’effet lointain sur les Européens de cet immense soulèvement de l’Asie qui clôt bien sûr la parenthèse de la modernisation, mais qui ouvre aussi à une négociation, de dimension planétaire, sur la nature d’une vie civilisée”.

VALÉRIE ZOYDO

L’entreprenariat vert, ça marche

Crise ou pas, depuis un an, les Frères Rivadulla, Carlos et Juan, originaires de Lerida, vivent une véritable succès story avec leur invention : l’Ecofrego, le sceau qui sépare les eaux usées des eaux propres. Comme toutes les inven­tions géniales, l’Ecofrego répond à une logique implacable : “Pourquoi rincer la serpillière dans de l’eau sale et conti­nuer à répandre sur le sol cette eau usée ? N’est-on pas, justement supposé le nettoyer ?”, ironise Carlos. Vu comme cela non seulement il n’a pas tort, mais notre geste prend tout à coup des airs de ridicule, et on s’en amuse. Pourquoi per­sonne n’y a pensé avant ? Et en plus, l’invention est écolo car elle permet d’utiliser moins d’eau et surtout moins de détergents. En attendant, on ne compte plus les sourires affichés des Rivadulla sur les photos de presse ou autres plateaux de TV : les médias les adorent. Pourquoi cet emballement ? Car les frères Riva­dulla donnent de l’espoir. Ils représentent cette génération de trentenaires, entrepreneuse, positive, qui rebondit et à leur manière contribue à changer le monde. V. Z.

Il n’y a pas de petits gestes !
Les actes les plus anodins peuvent changer le cours des choses… Voici quelques idées :
– Installer des économiseurs d’eau dans sa douche.
– Faire pousser des haricots, tomates et autres herbes dans un potager d’appartement.
A défaut de terrasse, cultiver les légumes dans des pots suspendus au rebord d’une fenêtre.
– Recycler les déchets organiques en faisant du compost.
– Eviter de faire la vaisselle à la main, la machine à laver utilise moins d’eau !
– Utiliser la pierre d’alun comme déodorant.
– Aller au travail en vélo.
– Lors de promenades sur la plage ou dans les bois, amener un petit étui pour jeter les mégots de cigarette.

Le Cradle to Cradle, la nouvelle révolution industrielle

Le terme est encore peu connu et pourtant, il s’agit de l’actuelle révolution industrielle. Le Cradle to Cradle réinvente la production, le processus de conception des objets, le design, en somme, le système capitaliste. Quant aux déchets, ils n’existent plus ! Explications.

Vous connaissez le compostage des matières organiques, épluchures de pommes de terre, os de poulet et autres écorces de clémentine ? Et bien le Cradle to Cradle se propose de l’appliquer à tous les objets ! Soit le produit retourne au sol et constitue un nutriment biologique, comme les feuilles qui tombent des arbres. Soit le produit retourne à l’industrie, comme nutriment technique, indéfiniment réutilisable.

“Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”

L’idée : repenser tout le cycle de vie du produit depuis sa création jusqu’à sa transformation. En utilisant une métaphore bouddhiste, c’est un peu comme si l’on cherchait à ce que le produit se réincarne à travers plusieurs vies.

Ce sont William Mc Donough, architecte et designer et Michael Braungart, chimiste qui sont à l’origine du mouvement. Leur livre, Cradle to Cradle est un manifeste pour une philosophie et une pratique nouvelle de la production et de l’écologie. Les deux auteurs soutiennent une “empreinte écologique positive”, à travers l’éco-conception et une garantie de qualité.

Et cela va bien au-delà du recyclage pratiqué jusqu’alors. Avec le Cradle to Cradle, autrement dit “Berceau à Berceau”, tout est propre dans le processus de création et tout est recyclable à l’infini. Pourquoi Berceau à Berceau ? Car tout doit revenir d’où il vient. Souvenez-vous de vos cours de Physique-Chimie : “Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”, Lavoisier. Le maître mot donc, l’“éco-efficacité” qui n’opposerait plus croissance économique et écologie.

Une autre vision de l’économie

Ainsi, le processus de production n’est plus linéaire mais bien circulaire. “Nous partons du principe que les déchets, quels qu’ils soient, constituent de la nourriture, waste = food”, explique Ignasi Cubiña, directeur et cofondateur de Eco Intelligent Growth, une entreprise qui promeut l’écologie industrielle à travers le procédé du Cradle to Cradle en Espagne.

Ce principe change totalement la vision de l’économie. En effet, le capitalisme gère la rareté, mieux dit, il crée artificiellement de la rareté pour générer du profit. Or, le Cradle to Cradle gère l’abondance. Pour autant, le Cradle to Cradle ne milite en aucun cas pour la décroissance : il ne s’agit pas de réduire la consommation, mais plutôt les processus industriels de production. Un des objectifs : éviter l’extraction des minéraux. En somme, il s’agit d’un système redessiné pour devenir entièrement renouvelable.

Promouvoir l’abondance

Ainsi, selon Ignasi Cubiña, il faut promouvoir l’abondance de la matière vivante et non-vivante, et non pas l’accumulation de la richesse monétaire, pour un monde plus juste. Tout repose sur la circulation de l’énergie. “C’est la seule chose qui ne soit pas limitée !”, s’enthousiasme Ignasi, et de poursuivre : “Nous voulons concevoir un monde pour 9 milliards de personnes. Lorsque nous affirmons que nous nous inspirons de la nature, c’est que nous partons du principe que dans la nature il n’existe pas le concept de déchet ni de pollution”, insiste-t-il.

En effet, dans la nature, les espèces animales et végétales cohabitent et s’enrichissent mutuellement : les déchets des uns deviennent la nourriture des autres. La question est d’appliquer ce système à l’économie… Or, celle-ci se définit par l’organisation politique de la production et de l’échange des richesses sociales. Les solutions existent bel et bien, tout repose donc sur une volonté politique et une détermination individuelle de changer les choses.

Valérie Zoydo