Une nouvelle manière de faire la guerre semble faire son apparition et elle se passe sur les marchés. L’ euro donne des frissons à la communauté européenne et les plans d’austérité se succèdent. Ne serait-ce pas la population, plus que les rentiers, qui souffre de l’essoufflement du système ?
L’ère de la guerre virtuelle est finalement arrivée. Les conflits ne sont plus résolus à coup de bombes sur les posi¬tions stratégiques de l’ennemi mais à coup de milliards de dollars, de privatisation des banques, de relèvement des taux d’intérêts, de dévaluation des devises. Les batailles portent des noms de valeurs, les armes sont remplacées par les avoirs, assurances-vie et autres investissements. Quant aux soldats en costumes cravates et chaussures vernies, leur cri de guerre invoque le capitalisme et le dollar. Ils prient le Dieu de la bourse, lui supplient d’être stable et généreux. Les conseils de guerre s’appellent G8, G20, G27. Finance, économie, em¬ploi : la guerre monétaire ou guerre des devises est déclarée.
“RÉFLÉCHIR À UNE TACTIQUE DE COMBAT EFFICACE POUR SAUVER L’EURO”
L´euro a fini en hausse en 2010, un rebond qui mi¬nimise sa baisse de 6,7% dans l´année alors que la devise europénne a commencé l’année vers 1,45$ avant de plonger jusqu’à 1,19$ début juin puis d’entamer une remontée chao¬tique en fin d’année. Des chiffres qui en disent long sur l’instabilité du système monétaire international. “Il a montré ses limites pendant la crise financière mondiale”, confirme Christine Lagarde, la ministre de l’économie lors d’un séminaire à Paris.
Ainsi, la devise chute et se reprend, mais ses vacille¬ments fréquents font palpiter les portefeuilles de plus d’un actionnaire. Les pays à dette record mais à économie forte se réunissent donc pour réfléchir à une tactique de combat efficace.
Réformer, voilà le terme qui pourrait sauver le système monétaire mondial. C’est en tous cas la priorité que s’est fixée la France depuis qu’elle a pris la présidence du G20.
BIENTÔT PLUS ASSEZ DE CRANS POUR SERRER LA CEINTURE EUROPÉENNE
Pendant ce temps, tour à tour, les pays s’effondrent et se relèvent à coup d’aides européennes et du FMI. La Grèce fut le premier pays à devoir répondre de ses actes, 110 milliards d’euros lui ont été accordés. Malgré cette aide, les déficits sont régulièrement revus à la hausse et le FMI n’exclut pas de refaire un autre prêt.
L’Irlande, quant à elle, en chute libre, a d’abord hésité jusqu’à se réveiller pour demander de l’aide et imposer un plan de rigueur drastique. En décembre, un accord a donc été signé pour renflouer les banques et le budget du pays de près de 85 milliards d’euros. Et pourtant, en novembre dernier, DSK soutenait encore que l’Irlande n’avait pas besoin de l’aide du FMI. En attendant, les Irlandais vont devoir se serrer la ceinture au moins durant quatre ans.
LES DROITS DES POPULATIONS
Et les citoyens, justement, dans tout ça ? Leur impo¬ser la rigueur est-elle la solution ? “La programmation de l’austérité a été instaurée en 1991 avec le Traité de Maastricht”, affirme la professeur en sciences sociales à l’Université libre de Bruxelles, Corinne Gobin. Elle explique que “les plans d’austérité s’inscrivent dans une politique bien en place, de reconquête intégrale du libre-échange contre les droits démocratiques des populations”.
Et en effet, à force de donner des chiffres, des plans, des solutions financières, on en oublierait presque les citoyens européens. “La réduction de l’Etat à un Etat minimal de type régalien, appauvrit la partie la plus fragile de la population (nldr : un minimum de 15% de pauvres en Europe) mais accroît la richesse détenue par les rentiers qui s’alimentent depuis plus de 20 ans des dettes publiques, et des taux d’intérêts scandaleux.”, explique Corinne Gobin au sujet des plans d’austérité.
ET SI C’ÉTAIT LA FIN ?
En fin de compte, l’obsession de réanimer le système capitaliste tourne à la dérision. Les Etats ne veulent plus aider les pays en déroute, les banques sont terrifiées à chaque discours de la Présidence européenne ou à la moindre dégringolade de l’euro. L’Union européenne est prête à imploser, les investisseurs quittent les marchés trop flottants et se réfugient vers des valeurs sécuritaires.
L’or bien évidemment est un classique : quand l’économie mondiale est au bord du gouffre, les conseillés financiers ressortent les lingots…
Mais l’heure est toujours à la crise, Santiago Niño Becerra en est certain. Il l’avait écrit en 2009 dans un livre intitulé “El crash del 2010” (voir encadré). Dans cet ouvrage il donne aux lecteurs une vision noire des prochaines années. Le début de la fin de la crise ne devrait pas arriver avant 2020 et la fin du système capitaliste serait prévu, selon lui, pour 2070 !
Vers le crash de l’Euro ?
L´été a été rude pour la monnaie européenne et c´est non sans mal qu´elle s´est relevée puis a rechuté. L´économiste Niño Becerra et auteur du livre “El crash del 2010” avait annoncé, dans une interview accordée à Euronews en janvier 2010, le crash de l´euro durant l´été. Une des raisons principales de ce crash comme il l´appelle, viendrait de l´incapacité de l´Europe à s´unir.
“Quand les choses iront réellement très mal, ce sera l’heure de l’examen final pour l’Europe et ce sera l’ultime opportunité. En clair, “soit l’Europe s’unit maintenant, soit elle ne s’unit jamais”, expliquait-il. (ndlr : voir notre interview sur le bilan de la Présidence belge de l’U.E pages 14-15) Pour l´heure, l´euro poursuit sa glissade en ce début d´année, reste à savoir si les prédictions de l´économiste espagnol vont se confirmer en cette nouvelle année où Nicolas Sarkozy devra trouver les outils pour la réforme du système monétaire.