La nature a été malmenée jusque dans la perception que nous avons d’elle. Etre écolo pouvait, encore récemment, paraître ringard. Ce rejet vient de notre héritage philosophique occidental : les Lumières.
Fait étonnant, malgré une prise de conscience claire vis-à-vis de l’écologie, il n’existe pas de réel mouvement philosophique sur l’écologie en Europe, alors qu’il existe aux Etats-Unis. “Cela est propre à l’histoire philosophique du continent européen et à notre rapport à la notion de nature”, explique à Rézo, Emilie Hache, maître de conférences en philosophie à l’université Paris X-Nanterre, spécialiste de l’écologie. Aux Etats-Unis le rapport à la nature est différent : lorsque la nation s’est fondée, les immigrés sont arrivés sur un territoire vierge, aux allures de nouveau paradis.
A la même époque, dans le Vieux Continent, la tradition de la philosophie des Lumières avait fait du chemin dans les mentalités. “Diderot critiquait la nature en ce qu’elle s’opposait à la liberté humaine”, poursuit Emilie Hache, “et le rationalisme de Descartes a contribué à façonner la culture collective, surtout en France”.
CRITIQUE DU CARTÉSIANISME
Selon les Lumières, puisque la culture était synonyme de liberté, il s’agissait donc de maîtriser la nature à tout prix. Celle-ci ne servait donc qu’à être exploitée. Associée à l’animalité, elle s’érigeait comme l’inverse de la civilisation. En parlant d’“état de nature”, “Hobbes, de son côté a mis le doigt sur une notion de barbarie associée à la nature, et ce au moment de la modernité”, ajoute Emilie Hache.
C’est pour cette raison que l’anthropologue Claude Levi-Strauss, écologiste de la première heure, a critiqué entre les lignes les conceptions cartésiennes classiques de la maîtrise sur la création.
D’ailleurs, sa défense de la diversité culturelle est indissociable de la diversité naturelle. “Ce contre quoi je me suis insurgé, et dont je ressens profondément la nocivité, c’est cet espèce d’humanisme dévergondé issu d’une part de la tradition judéo-chrétienne, et, d’autre part, près de nous, de la Renaissance et du cartésianisme, qui fait de l’homme un maître, un seigneur absolu de la création” déclarait- il dans une interview accordée au quotidien Le Monde daté du 21-22 janvier 1979.
Et de poursuivre : (…) “C’est d’une seule et même foulée que l’homme a commencé à tracer la frontière de ses droits entre lui-même et les autres espèces vivantes, et s’est ensuite trouvé amené à reporter cette frontière au sein de l’espèce humaine (…). Il faudrait plutôt poser au départ une sorte d’humilité principielle ; l’homme commençant par respecter toutes les formes de vie en dehors de la sienne, se mettrait à l’abri du risque de ne pas respecter toutes les formes de vie au sein de l’humanité même. (…)
Au lieu d’une conception des droits de l’homme d’origine occidentale, on aurait pu chercher à se mettre un peu plus de plain-pied avec les idées explicites ou implicites que d’autres civilisations se font du problème. (…) Les grandes civilisations de l’Orient ou de l’Extrême-Orient, avec le bouddhisme et d’autres familles spirituelles, sont, non pas seulement ouvertes à ce genre de réflexions, mais se trouvent à leur origine depuis des siècles et mêmes des millénaires. Même les peuples dits “primitifs” qu’étudient les ethnologues ont un profond respect pour la vie animale et végétale : il s’exprime chez eux par ce que nous considérons comme autant de superstitions, mais qui, en fait, constituent des freins très efficaces pour maintenir un certain équilibre naturel entre l’homme et le milieu qu’il exploite”.
PEUT-ON PARLER DE MODERNITÉ ?
Avant la période dite de modernité (entre le 16e et le 18e siècle), “Montaigne avait exploré des pistes intéressantes sur notre rapport avec les animaux”, explique Emilie Hache, mais dans ce domaine, “Descartes a fermé tout ce qui avait été ouvert”.
De même, Stephen Toulmin, philosophe anglais du XXe siècle, fait l’éloge de Dewey, Wittgenstein, Heidegger et Rorty pour avoir abandonner la tradition de Descartes et Hobbes, dans son ouvrage Cosmopolis, the hidden agenda of modernity. Il dénonce une disparition de la morale dans le domaine des sciences, qui a détourné son attention des questions pratiques concernant l’écologie entre autres.
Finalement la percée de l’écologie nous fait remettre en question l’idée de progrès telle qu’elle a été pensée par les Lumières. D’ailleurs, le sociologue
des sciences, Bruno Latour, auteur de Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, écrivait dans le journal Le Monde en 1996 : “La fin de l’idée de progrès n’est que l’effet lointain sur les Européens de cet immense soulèvement de l’Asie qui clôt bien sûr la parenthèse de la modernisation, mais qui ouvre aussi à une négociation, de dimension planétaire, sur la nature d’une vie civilisée”.
VALÉRIE ZOYDO
L’entreprenariat vert, ça marche
Crise ou pas, depuis un an, les Frères Rivadulla, Carlos et Juan, originaires de Lerida, vivent une véritable succès story avec leur invention : l’Ecofrego, le sceau qui sépare les eaux usées des eaux propres. Comme toutes les inventions géniales, l’Ecofrego répond à une logique implacable : “Pourquoi rincer la serpillière dans de l’eau sale et continuer à répandre sur le sol cette eau usée ? N’est-on pas, justement supposé le nettoyer ?”, ironise Carlos. Vu comme cela non seulement il n’a pas tort, mais notre geste prend tout à coup des airs de ridicule, et on s’en amuse. Pourquoi personne n’y a pensé avant ? Et en plus, l’invention est écolo car elle permet d’utiliser moins d’eau et surtout moins de détergents. En attendant, on ne compte plus les sourires affichés des Rivadulla sur les photos de presse ou autres plateaux de TV : les médias les adorent. Pourquoi cet emballement ? Car les frères Rivadulla donnent de l’espoir. Ils représentent cette génération de trentenaires, entrepreneuse, positive, qui rebondit et à leur manière contribue à changer le monde. V. Z.
Il n’y a pas de petits gestes !
Les actes les plus anodins peuvent changer le cours des choses… Voici quelques idées :
– Installer des économiseurs d’eau dans sa douche.
– Faire pousser des haricots, tomates et autres herbes dans un potager d’appartement.
A défaut de terrasse, cultiver les légumes dans des pots suspendus au rebord d’une fenêtre.
– Recycler les déchets organiques en faisant du compost.
– Eviter de faire la vaisselle à la main, la machine à laver utilise moins d’eau !
– Utiliser la pierre d’alun comme déodorant.
– Aller au travail en vélo.
– Lors de promenades sur la plage ou dans les bois, amener un petit étui pour jeter les mégots de cigarette.