Le terme est encore peu connu et pourtant, il s’agit de l’actuelle révolution industrielle. Le Cradle to Cradle réinvente la production, le processus de conception des objets, le design, en somme, le système capitaliste. Quant aux déchets, ils n’existent plus ! Explications.
Vous connaissez le compostage des matières organiques, épluchures de pommes de terre, os de poulet et autres écorces de clémentine ? Et bien le Cradle to Cradle se propose de l’appliquer à tous les objets ! Soit le produit retourne au sol et constitue un nutriment biologique, comme les feuilles qui tombent des arbres. Soit le produit retourne à l’industrie, comme nutriment technique, indéfiniment réutilisable.
“Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”
L’idée : repenser tout le cycle de vie du produit depuis sa création jusqu’à sa transformation. En utilisant une métaphore bouddhiste, c’est un peu comme si l’on cherchait à ce que le produit se réincarne à travers plusieurs vies.
Ce sont William Mc Donough, architecte et designer et Michael Braungart, chimiste qui sont à l’origine du mouvement. Leur livre, Cradle to Cradle est un manifeste pour une philosophie et une pratique nouvelle de la production et de l’écologie. Les deux auteurs soutiennent une “empreinte écologique positive”, à travers l’éco-conception et une garantie de qualité.
Et cela va bien au-delà du recyclage pratiqué jusqu’alors. Avec le Cradle to Cradle, autrement dit “Berceau à Berceau”, tout est propre dans le processus de création et tout est recyclable à l’infini. Pourquoi Berceau à Berceau ? Car tout doit revenir d’où il vient. Souvenez-vous de vos cours de Physique-Chimie : “Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”, Lavoisier. Le maître mot donc, l’“éco-efficacité” qui n’opposerait plus croissance économique et écologie.
Une autre vision de l’économie
Ainsi, le processus de production n’est plus linéaire mais bien circulaire. “Nous partons du principe que les déchets, quels qu’ils soient, constituent de la nourriture, waste = food”, explique Ignasi Cubiña, directeur et cofondateur de Eco Intelligent Growth, une entreprise qui promeut l’écologie industrielle à travers le procédé du Cradle to Cradle en Espagne.
Ce principe change totalement la vision de l’économie. En effet, le capitalisme gère la rareté, mieux dit, il crée artificiellement de la rareté pour générer du profit. Or, le Cradle to Cradle gère l’abondance. Pour autant, le Cradle to Cradle ne milite en aucun cas pour la décroissance : il ne s’agit pas de réduire la consommation, mais plutôt les processus industriels de production. Un des objectifs : éviter l’extraction des minéraux. En somme, il s’agit d’un système redessiné pour devenir entièrement renouvelable.
Promouvoir l’abondance
Ainsi, selon Ignasi Cubiña, il faut promouvoir l’abondance de la matière vivante et non-vivante, et non pas l’accumulation de la richesse monétaire, pour un monde plus juste. Tout repose sur la circulation de l’énergie. “C’est la seule chose qui ne soit pas limitée !”, s’enthousiasme Ignasi, et de poursuivre : “Nous voulons concevoir un monde pour 9 milliards de personnes. Lorsque nous affirmons que nous nous inspirons de la nature, c’est que nous partons du principe que dans la nature il n’existe pas le concept de déchet ni de pollution”, insiste-t-il.
En effet, dans la nature, les espèces animales et végétales cohabitent et s’enrichissent mutuellement : les déchets des uns deviennent la nourriture des autres. La question est d’appliquer ce système à l’économie… Or, celle-ci se définit par l’organisation politique de la production et de l’échange des richesses sociales. Les solutions existent bel et bien, tout repose donc sur une volonté politique et une détermination individuelle de changer les choses.