L’ équilibre du pouvoir

La politique d’Obama, le pouvoir, la tauromachie, les guerres en Irak, en Afghanistan… Autant de sujets que traite l’artiste américain Matt Sesow, dans sa série d’oeuvres intitulée “Balance Of Power”. Tous ont en commun, le rapport de forces, le rapport dominants-dominés, en somme, l’équilibre du pouvoir. Explications de cinq de ses oeuvres.

Matt Sesow explore une série d’inégalités qui existent dans la vie politique, la famille, l’amour, et le règne animal.
Il a commencé à peindre en 1994 comme passe-temps les soirs et les week-ends comme pour échapper à sa vie de programmeur pour IBM. Cette envie de s’exprimer par la peinture lui vient de son enfance. Il a grandit sur les terres cultivées du Nebraska aux USA et vit maintenant à Washinghton DC.
À 11 ans, Matt Sesow a été heurté par le propulseur d’un avion lors de son atterrissage, qui a provoqué l’amputation de sa main dominante. Ce traumatisme d’enfance est pour lui le facteur principal qui l’a conduit à prendre la décision de s’exprimer par la peinture… Matt Sesow a exposé dans des galeries du monde entier et ses oeuvres font parties intégrantes de nombreuses collections d’Art Brut.
Il explique à Rézo son regard sur l’équilibre du pouvoir, à travers cinq de ses oeuvres. Revue de détail.


Obama’s War (75 x 100 cm)
“Ce tableau se réfère à la guerre en Afghanistan héritage du président Bush et assumé par notre président Obama Les personnages de cette oeuvre semblent être en équilibre. Mais en y regardant de plus près et face aux horreurs décrites, tout paraît déséquilibré. Les deux grandes figures de chaque côté, telles deux montagnes qui s’érigent, représentent l’Afghanistan qui prend forme humaine. Et pourtant, des trous percent leurs entrailles. Ces figures nues, révèlent les stigmates de traumatismes… Des cicatrices marquent la colonne vertébrale. Les bras amputés de la main, essaient d’atteindre le ciel pour écraser le parachute diabolique et le missile qui descend vers la vallée pour tuer les innocents civils depuis un avion prédateur. Dans la partie inférieure gauche et droite, il y a des soldats aux commandes d’avions. Devant leurs ordinateurs, comme dans un jeu vidéo, ils jouent à la guerre mais toujours hors du champ de bataille réel.”
En partenariat avec la Galerie ArtevistasBalance Of Power (140 x 135 cm)
“Avec cette oeuvre, je souhaitais dénoncer le mécontentement des gens par rapport au manque de changement dans la politique américaine sous la présidence d’Obama. Les encarts dans la partie gauche du tableau représentent les politiques impopulaires et les actions adoptées par le gouvernement d’Obama ou héritées de la présidence de Bush. Je souhaitais montrer la relation prédateur/prisonnier qu’il y a dans chaque politique ou décision. Sur la partie droite, j’ai fait une de mes versions de la célèbre affiche de campagne d’Obama utilisée pour son élection. La tête d’Obama y est plus grande que la normale, l’espace utilisé à droite du tableau est plus important qu’à gauche, à l’image de son style Hollywoodien. Il reçoit davantage d’attention que les politiques réelles susceptibles de changer la vie des gens. C’est là où le pouvoir ment.”

Crossing the Rubicón (127 x 120 cm)
“Franchir le Rubicon” est un terme communément utilisé par l’administration Bush pendant la guerre en Irak en 2003. Il signifie le fait de passer le point de non retour et il fait référence à Jules César qui traversa la rivière Rubicon en Italie en 49  J.C. Dans ce tableau, le cowboy américain monte son poulet fantastique et part en guerre le poing levé. A droite, l’avion bombardier lâche un phénix, peut-être mort. Quant au cowboy, il a perdu sa main gauche dans une guerre précédente. Lorsqu’il aura franchi la ligne, l’équilibre sera rompu.”

Balancing Act (100 x 100 cm)
“Cette oeuvre s’inscrit dans le sujet de l’exposition, l’équilibre du pouvoir, et a de plus un rapport direct avec l’Espagne. Les toréadors sont ici représentés face au taureau. Je suis végétarien, logiquement j’espère que le taureau ne sera pas le plus lésé. Le taureau porte un lapin sur son coeur. Le lapin est pour moi l’image même de l’innocence. Le taureau porte sur son dos les trois signes de ma cicatrice – traumatisme. Il s’agit d’une image que j’utilise pour montrer la tristesse et la douleur dans ma peinture. Les toréadors paraissent innocents voire même heureux. Ils soutiennent le taureau majestueux. L’étoile nous rappelle qu’il y a une inévitable bataille à vivre par rapport au sujet de la tauromachie.”

Top Dog Mad Dog (100 x 100 cm)
“Le terme Top Dog, le chien d’en haut, se réfère aux personnes qui sont au pouvoir. Sur le chien, on reconnaît une ébauche du drapeau américain et le capitalisme est symbolisé à gauche par l’homme-porc.
Le lapin mort représenté à gauche sous les traits d’un ange symbolise les victimes innocentes des politiques et des actions du “chien d’en haut”. L’homme-porc ne le voit même pas. Le petit viking à côté du chien symbolise la conquête et l’impérialisme.
Le chien fou, celui du dessous est probablement la victime du “chien d’en haut”. Pour moi le chien fou est plus innocent, il est symbolisé par les lapins qui vivent dans son coeur et son ventre. Le phénix à l’envers représente la chute, une certaine chute en quelque sorte du capitalisme.”

La mort du Web

Le 18 août dernier, la revue américaine Wired a annoncé la mort du Web. Wired est aux nouvelles technologies ce que Vogue est à la mode ou Hola aux potins made in Spain. En réalité, ce décès, quelque peu prématuré, avait déjà été pressenti… Mais comme la première annonce, en 1997, n’a pas eu l’effet escompté, Chris Anderson, rédacteur en chef de la revue, a décidé de renouveler l’obituaire en ajustant un peu le tir.

Quant à vous chers lecteurs, n’attendez pas le dessert pour déclarer la mort du Web car le débat risque d’être long. Afin d’éviter tout étouffement, empressez-vous de nuancer que le défunt n’est autre que le Web… pas Internet. Comme l’explique Anderson dans son dernier bouquin (Free : The Future of a Radical Price, référence littéraire qui calmera les plus technophobes), les gens aiment la gratuité mais, au bout d’un certain temps, tendent à emprunter le chemin le plus simple et adapté, quitte à payer pour certains accès. Un raisonnement que le journaliste généralise dans son article : les usagers d’Internet utilisent de plus en plus de programmes “fermés” d’Internet, tels que le Courriel, le Podcast, Facebook, Twitter ou les journaux on-line. Une migration de l’ouverture et la liberté de Google vers des plateformes qui utilisent Internet uniquement comme moyen de transport de l’information.

Finie l’époque du Web comme espace de navigation et de découverte inespérée. Selon le diagnostic d’Anderson, les flâneries sur Internet seraient déjà d’un autre temps. Désormais, nous savons ce que nous voulons. Place aux programmes efficaces et adaptés qui nous aident à arriver facilement à l’information recherchée.
La toile est en train de muter vers un modèle économique et relationnel plus classique et conventionnel qui finira par mettre de l’ordre dans le foisonnement du monde digital. C’est en fait une nouvelle ère Internet qui s’ouvre. Le Web 3.0 voire 4.0 ? Vous pouvez tenter de lancer le sujet mais la fin du Web est déjà une annonce assez tape à l’oeil. Attendez peut-être Noël. Le Web est mort. Vive le Web ! A. L. G.

Amour capitaliste

Oubliez les Amélie Nothomb ou autres Marc Lévy. Dites que vous avez lu Eros d’Eloy Fernández Porta (EFP), le philosophe en vogue en Espagne. Son livre, de plus de 350 pages, a gagné le Prix Anagrama de Ensayo en avril 2011. Parlez-en si possible dans un dîner de couples, à l’image du 5e chapitre du livre, “l’empire de la médiation affective”. Et pour avoir l’air hype, enchaînez, à contre-courant, qu’Eros est surfait. Que l’auteur a bien lu Nietzsche, Lyotard et Eco. Et Ovide et Calvino et Zizek (même Onfray et Finkielkraut…). Que ses exemples sont souvent bien trouvés et ses références originales mais qu’il n’est que le Picard de la philosophie. Simple, alléchant et rapide à absorber. Tout cela avec une excellente préparation en amont du produit.
Sous couvert de nouveauté, d’originalité, d’une dichotomie simpliste entre l’insensible capitalisme et l’éthéré sentiment amoureux, EFP présente, avec d’innombrables références (cultivée, pop, bas de gamme) et jeux symboliques (à commencer par le titre) une plate évidence éternelle : la relation amoureuse dépend de la société dans laquelle elle s’inscrit. N’est-ce pas aussi le cas de l’amour courtois au Moyen-âge, dont le sens réel s’inscrivait au coeur de la sphère politique ? Ou de l’amour bourgeois dans les années 60 ? Nietzsche, Barthes, Lacan et d’autres l’ont déjà très bien dit.
En fait, EFP n’est jamais aussi bon que quand il fait de l’humour. Sa pensée est certes meilleure que le rudimentaire Onfray ou le grossier Badiou mais cela reste un remake décalé et actualisé de Derrida ou Bataille. L’auteur échoue, par sa relecture tangentielle et subjective (parfois jouissive, trop souvent forcée), à trouver sa juste place par rapport à cette culture qu’il analyse. Son discours est à la fois critique et abreuvé du post-modernisme le plus mainstream. Refaire du neuf avec de l’ancien, saupoudrer l’analyse d’exemples provocateurs et de renvois inattendus (des Guns & Roses à Paul Thomas Anderson en passant par Paris Hilton), enguirlander une plate banalité de grandes théories philosophiques devenues light (on pense clairement à Heidegger dans son livre précédent), voilà les travers d’une bonne partie de la pensée contemporaine. EFP n’y échappe pas. En revanche, quand il laisse flâner
son imagination (dans la troisième partie) et qu’il se prend plus pour Philip K. Dick que pour Giorgio Agamben, le résultat est surprenant et on ne peut s’empêcher d’approuver avec le sourire. Pompeux, simpliste et imposteur quand il prétend découvrir la vérité du capitalisme, Eros devient un livre aigu, drôle et acéré quand il se présente comme ce qu’il est. Un pur produit de l’entertainment post (méta, ultra, hyper…) moderne. De quoi créer de belles discussions.

AURÉLIEN LE GENISSEL

Le système capitaliste sous monitoring

Une nouvelle manière de faire la guerre semble faire son apparition et elle se passe sur les marchés. L’ euro donne des frissons à la communauté européenne et les plans d’austérité se succèdent. Ne serait-ce pas la population, plus que les rentiers, qui souffre de l’essoufflement du système ?

L’ère de la guerre virtuelle est finalement arrivée. Les conflits ne sont plus résolus à coup de bombes sur les posi¬tions stratégiques de l’ennemi mais à coup de milliards de dollars, de privatisation des banques, de relèvement des taux d’intérêts, de dévaluation des devises. Les batailles portent des noms de valeurs, les armes sont remplacées par les avoirs, assurances-vie et autres investissements. Quant aux soldats en costumes cravates et chaussures vernies, leur cri de guerre invoque le capitalisme et le dollar. Ils prient le Dieu de la bourse, lui supplient d’être stable et généreux. Les conseils de guerre s’appellent G8, G20, G27. Finance, économie, em¬ploi : la guerre monétaire ou guerre des devises est déclarée.

“RÉFLÉCHIR À UNE TACTIQUE DE COMBAT EFFICACE POUR SAUVER L’EURO”
L´euro a fini en hausse en 2010, un rebond qui mi¬nimise sa baisse de 6,7% dans l´année alors que la devise europénne a commencé l’année vers 1,45$ avant de plonger jusqu’à 1,19$ début juin puis d’entamer une remontée chao¬tique en fin d’année. Des chiffres qui en disent long sur l’instabilité du système monétaire international. “Il a montré ses limites pendant la crise financière mondiale”, confirme Christine Lagarde, la ministre de l’économie lors d’un séminaire à Paris.
Ainsi, la devise chute et se reprend, mais ses vacille¬ments fréquents font palpiter les portefeuilles de plus d’un actionnaire. Les pays à dette record mais à économie forte se réunissent donc pour réfléchir à une tactique de combat efficace.
Réformer, voilà le terme qui pourrait sauver le système monétaire mondial. C’est en tous cas la priorité que s’est fixée la France depuis qu’elle a pris la présidence du G20.

BIENTÔT PLUS ASSEZ DE CRANS POUR SERRER LA CEINTURE EUROPÉENNE
Pendant ce temps, tour à tour, les pays s’effondrent et se relèvent à coup d’aides européennes et du FMI. La Grèce fut le premier pays à devoir répondre de ses actes, 110 milliards d’euros lui ont été accordés. Malgré cette aide, les déficits sont régulièrement revus à la hausse et le FMI n’exclut pas de refaire un autre prêt.
L’Irlande, quant à elle, en chute libre, a d’abord hésité jusqu’à se réveiller pour demander de l’aide et imposer un plan de rigueur drastique. En décembre, un accord a donc été signé pour renflouer les banques et le budget du pays de près de 85 milliards d’euros. Et pourtant, en novembre dernier, DSK soutenait encore que l’Irlande n’avait pas besoin de l’aide du FMI. En attendant, les Irlandais vont devoir se serrer la ceinture au moins durant quatre ans.

LES DROITS DES POPULATIONS
Et les citoyens, justement, dans tout ça ? Leur impo¬ser la rigueur est-elle la solution ? “La programmation de l’austérité a été instaurée en 1991 avec le Traité de Maastricht”, affirme la professeur en sciences sociales à l’Université libre de Bruxelles, Corinne Gobin. Elle explique que “les plans d’austérité s’inscrivent dans une politique bien en place, de reconquête intégrale du libre-échange contre les droits démocratiques des populations”.
Et en effet, à force de donner des chiffres, des plans, des solutions financières, on en oublierait presque les citoyens européens. “La réduction de l’Etat à un Etat minimal de type régalien, appauvrit la partie la plus fragile de la population (nldr : un minimum de 15% de pauvres en Europe) mais accroît la richesse détenue par les rentiers qui s’alimentent depuis plus de 20 ans des dettes publiques, et des taux d’intérêts scandaleux.”, explique Corinne Gobin au sujet des plans d’austérité.

ET SI C’ÉTAIT LA FIN ?
En fin de compte, l’obsession de réanimer le système capitaliste tourne à la dérision. Les Etats ne veulent plus aider les pays en déroute, les banques sont terrifiées à chaque discours de la Présidence européenne ou à la moindre dégringolade de l’euro. L’Union européenne est prête à imploser, les investisseurs quittent les marchés trop flottants et se réfugient vers des valeurs sécuritaires.
L’or bien évidemment est un classique : quand l’économie mondiale est au bord du gouffre, les conseillés financiers ressortent les lingots…
Mais l’heure est toujours à la crise, Santiago Niño Becerra en est certain. Il l’avait écrit en 2009 dans un livre intitulé “El crash del 2010” (voir encadré). Dans cet ouvrage il donne aux lecteurs une vision noire des prochaines années. Le début de la fin de la crise ne devrait pas arriver avant 2020 et la fin du système capitaliste serait prévu, selon lui, pour 2070 !

Vers le crash de l’Euro ?
L´été a été rude pour la monnaie européenne et c´est non sans mal qu´elle s´est relevée puis a rechuté. L´économiste Niño Becerra et auteur du livre “El crash del 2010” avait annoncé, dans une interview accordée à Euronews en janvier 2010, le crash de l´euro durant l´été. Une des raisons principales de ce crash comme il l´appelle, viendrait de l´incapacité de l´Europe à s´unir.
“Quand les choses iront réellement très mal, ce sera l’heure de l’examen final pour l’Europe et ce sera l’ultime opportunité. En clair, “soit l’Europe s’unit maintenant, soit elle ne s’unit jamais”, expliquait-il. (ndlr : voir notre interview sur le bilan de la Présidence belge de l’U.E pages 14-15) Pour l´heure, l´euro poursuit sa glissade en ce début d´année, reste à savoir si les prédictions de l´économiste espagnol vont se confirmer en cette nouvelle année où Nicolas Sarkozy devra trouver les outils pour la réforme du système monétaire.